Ce dispositif assez récent permet au voisin d’une parcelle forestière à vendre de bénéficier d’un droit de préférence sur la vente de cette parcelle. L’objectif est de réduire le morcellement de la forêt française pour en améliorer la gestion globale. Nous vous présentons tous les aspects de cette réglementation.
La forêt française couvre 31% de la superficie totale du pays et est extrêmement morcelée. Sur 17,3 millions d’hectares boisés, l’Etat, les collectivités locales et établissements publics en détiennent plus de 4 millions. Les 13 millions restant sont détenus par 3,1 millions de propriétaires forestiers privés, soit une superficie moyenne de 4ha.
Si on rentre en détail dans la détention privée et en faisant abstraction des sociétés, les écarts de détention sont extrêmement importants :
Cette surface très faible de détention entraine une mauvaise gestion. La majorité des propriétaires forestiers n’ayant ni la capacité ni les moyens financiers pour une gestion durable et optimale de leur terrain forestier. On peut ainsi noter que seulement 18% de la forêt française fait l’objet d’un Plan Simple de Gestion.
C’est donc pour éviter le morcellement des propriétés forestières, que la Loi de Modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010 a instauré un droit de préférence au bénéfice des propriétaires voisins lors de la cession de propriétés forestières.
L’article L331-19 du code rural prévoit ainsi : « En cas de vente d'une propriété classée au cadastre en nature de bois et forêts et d'une superficie totale inférieure à 4 hectares, les propriétaires d'une parcelle boisée contiguë, tels qu'ils sont désignés sur les documents cadastraux, bénéficient d'un droit de préférence dans les conditions définies au présent article. Les mêmes dispositions sont applicables en cas de cession de droits indivis ou de droits réels de jouissance relatifs à cette propriété. »
Le droit de préférence concerne donc les ventes de parcelles classées en nature de bois au cadastre et d’une superficie inférieure à 4 hectares. Si la vente porte sur des biens mixtes, par exemple des parcelles agricoles et forestières, le droit de préférence ne s’appliquera pas.
Le seuil de 4ha est calculé sur la totalité des parcelles vendues que les parcelles soient contigües ou non. Cette loi s'applique également si le propriétaire est une personne physique ou une société comme un Groupement Foncier Forestier par exemple.
Pour bénéficier du droit de préférence, il faut être propriétaire d’une parcelle également classée en nature de bois et qui soit contigüe à tout ou partie des parcelles vendues. La contiguïté s'examine au cas par cas : Une route, une voie ferrée, une rivière séparant des parcelles ne permettra pas de bénéficier de ce droit contrairement à un chemin ou un simple ruisseau.
Le projet de vente de la parcelle doit être notifié aux propriétaires voisins. Le propriétaire qui souhaite vendre sa parcelle peut réaliser sa notification de 2 façons :
Le bénéficiaire qui exerce son droit de préférence dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification (ou de l’affichage en mairie) pour faire connaitre sa décision.
Si plusieurs propriétaires de terrain exercent leur droit de préférence, le vendeur choisit librement son futur acquéreur parmi ces personnes.
A noter que selon un arrêt récent de la Cour de Cassation, le propriétaire peut décider de céder ses parcelles forestières à l'acheteur voisin mais peut également renoncer à la vente.
Le droit de préférence ne s’applique pas dans le cas de vente :
Par ailleurs, le droit de préférence peut s’exercer sous réserve des droits de préemption.
Le droit de préférence passe donc après la possible application de droits de préemption.
Un droit de préemption permet à des personnes morales chargées d’une mission de service public qui l’exercent de devenir propriétaire en lieu et place de l’acquéreur initial sans possibilité pour le vendeur de renoncer à la vente.
Le droit de préférence a une portée plus faible car le vendeur a toujours la possibilité de renoncer à la vente. Il s'agit donc uniquement d'une priorité d'acquisition donné au voisin.
En matière forestière, il y a plusieurs droits de préemption qui peuvent trouver à s’appliquer.
Si l’Etat possède une forêt domaniale jouxtant la parcelle vendue, il dispose d’un droit de préemption qui primera sur tous les autres droits.
La commune bénéficie d‘un droit de préemption si elle possède une parcelle boisée contigüe à la propriété et ce quelque soit la surface de la parcelle vendue.
Si elle ne possède pas de parcelle contigüe, elle bénéficie alors d’un droit de préférence comme les propriétaires voisins. Et c’est le vendeur qui choisira le bénéficiaire de la vente.
Lorsque la vente porte sur des parcelles agricoles et des parcelles forestières, la SAFER bénéficie d’un droit de préemption sur la totalité de la vente quelque soit l’importance des parcelles de cultures par rapport aux parcelles boisées.
Depuis 2000, la SAFER peut intervenir à l’amiable sur les ventes de forêts. Et depuis 2019, elle bénéficie d’un droit de préemption sur les ventes de parcelles boisées de moins de 30 000 m² sur la région Ile-de-France.
La mise en place de ce droit de préférence a été complexe et a nécessité des ajustements notamment au niveau des modalités d’information des propriétaires voisins.
Des effets indésirables de la Loi ont été soulevés avec notamment le risque d’accaparement de la propriété des forêts par les plus grands propriétaires (qui bénéficient naturellement de nombreux droits de préférence) (Mise en application du droit de préférence instauré par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010).
Le plus grand reproche est par contre lié à la complexité d’articulation entre les différents droits de préemption et de préférence qui créent des lourdeurs (et des frais) lors des transactions ainsi qu’un risque juridique pour les vendeurs et les acquéreurs.
Il n’existe malheureusement pas d’étude à ce jour montrant que ce dispositif a permis de réduire sensiblement le mitage de la forêt française et d’en améliorer la gestion.