Comment fixer le prix de vente d’un terrain agricole ? Faut-il appliquer une décote si le bien est loué ? Peut-on fixer comme on veut le prix de vente ? Quel est l’impact des DPB sur l'estimation des terres ? Autant de questions sur lesquelles nous sommes régulièrement sollicités par les vendeurs d'exploitations agricoles. Tour d’horizon des éléments à prendre en compte.
Le Ministère de l'Agriculture publie chaque année un "Barème indicatif de la valeur vénale moyenne des terres agricoles en France". Ce document est publié à titre indicatif et peut-être utilisé par les contribuables notamment pour évaluer des terrains agricoles pour le calcul de l'IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) ou pour le calcul de droits de succession.
Il contient pour chaque secteur de chaque département, un prix moyen, un prix minimum et un prix maximum. Il comprend 4 tableaux en fonction du statut des terres : terrains libres, terrains loués, dans les Départements et Régions d'Outre Mer et pour les vignes.
Ces données proviennent en fait des statistiques de la SAFER qui a notamment pour mission de service public de gérer un observatoire du prix des terres. C'est d'ailleurs à partir de ces mêmes statistiques que nous rédigeons nos articles relatifs au prix des terres libres ou louées.
Si ce document est un outil utile, il est néanmoins insuffisant pour réaliser l'estimation de terrains agricoles.
Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que la fixation du prix de vente du foncier agricole est libre.
Le prix de vente va être déterminé par la rencontre de la demande du vendeur avec le besoin d’un acquéreur.
Il pourra varier selon la qualité agronomique des parcelles, leur taille, leur accès, l’accès à l’eau ou l’irrigation, la pente, la conjoncture économique, … et du marché local.
Par exemple, une pression foncière importante (demande importante des acquéreurs) conduit logiquement à une progression des prix de vente. Et à l’inverse, un marché ou il y aurait plus de vendeurs que d’acheteurs conduira à une possible baisse de prix.
Les prix de vente des terrains agricoles sont très variables selon les secteurs géographiques comme on peut le voir dans les statistiques officielles. Il est donc intéressant de pouvoir regarder les prix des transactions très locales pour avoir un comparatif.
La Base DVF (Demande de Valeur Foncière) référence toutes les transactions immobilières réalisées en France depuis le 1er juillet 2018. Elle est mise à jour régulièrement par les transactions du trimestre précédent.
La recherche se fait sur une carte et permet de visualiser les parcelles cadastrales qui ont été cédées, de voir le prix de vente, la nature des biens vendus (maison, terres, sol, étang, ...) et les dates de vente successives.
Attention toutefois lors de l'utilisation de ce service. S'il est possible de voir toutes les parcelles qui ont été vendues ensemble à l'intérieur d'une feuille cadastrale, il ne sera pas possible de voir si des parcelles situées en dehors de la feuille cadastrale faisaient partie de la même vente. Cet élément peut fortement modifier l'appréciation du prix moyen.
La SAFER (Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural) contrôle qui peut acheter des parcelles de terrain agricole avec pour objectif de favoriser les installations d’agriculteurs et d’éviter la spéculation. Elle dispose à ce titre d’un droit de préemption qui lui permet d’acquérir des terres à la place d’un acquéreur pour les restituer ensuite à un agriculteur qu’elle juge prioritaire au regard de ses missions.
Elle a également pour mission d’apporter une information transparente sur le marché du foncier et elle publie à ce titre des statistiques sur les prix moyens de vente. Ces prix sont indicatifs et ne sont pas des prix qui s’imposent obligatoirement aux vendeur et aux acquéreurs.
Un élément vient tout de même jouer à l’encontre du principe de liberté des prix : la préemption avec révision de prix.
La SAFER, si elle souhaite préempter sur un bien pour l’attribuer à un autre candidat, peut proposer une préemption avec révision de prix. S’appuyant sur des références locales de transaction, si ces prix sont inférieurs d’au moins 10% au prix convenu entre les parties, elle propose alors au vendeur de préempter sur un prix révisé à la baisse.
Le propriétaire peut refuser cette proposition et retirer son bien de la vente. Il ne pourra pas alors représenter la vente du même bien dans les conditions initiales tant que le marché n’aura pas évolué significativement.
Il est difficile de savoir si la SAFER utilise la préemption avec révision dans le seul but d’éviter une augmentation des prix moyens ou si elle souhaite réellement favoriser un autre candidat.
Les agriculteurs (pour certaines productions) perçoivent des aides économiques de l’Union Européenne par le biais de Droits à Paiement de Base (DPB). Ils peuvent en complément percevoir des aides liées à des engagements agri environnementaux. Un agriculteur peut posséder autant de DPB qu’il possède d’hectares. La valeur de ces DPB est lié à l’historique des aides qui étaient perçues par les exploitations agricoles avant la mise en place de ce régime.
Lorsqu’un agriculteur achète des terres, il souhaite acquérir autant de DPB que d’hectares. Car sans ces DPB, il ne pourra pas bénéficier des subventions européennes.
La présence ou l’absence de ces DPB lors de la vente de terre agricole a donc une incidence directe sur le revenu qu’un agriculteur pourra percevoir et donc sur la valeur des terres.
Si le vendeur est le détenteur des DPB, la valorisation du terrain sera donc plus élevée que lorsque la vente est faite par un propriétaire qui n’est pas l’exploitant. En effet, l’acheteur du terrain devra trouver un accord en direct avec l’exploitant des terres (le locataire) pour acheter ses DPB.
C’est un élément de plus qui explique la décote sur la valorisation des terres louées par rapport à des terres libres de location.
Le prix des terres dépend de multiples facteurs. Le statut locatif a un impact direct : des terres libres de location valent généralement plus chères que des terres louées. Un décote sur le prix de vente des terres louées est constatée qui peut être nulle ou aller jusque 30% selon les régions.
Cette décote est utilisée par les propriétaires pour diminuer la valorisation de leur terrain dans le cadre de transmission à titre gratuit (donation, succession, …) ou pour le calcul de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (IFI). La baisse de valeur permettra alors de diminuer l’impôt ou le montant de droits d’enregistrements.
Pourquoi y a-t-il une décote sur la valeur des terres louées ?
C’est avant tout le constat d’un marché qui est moins favorable au vendeur.
Lorsque les terres sont libres de location, il y a potentiellement beaucoup d’acquéreurs : les agriculteurs voisins, les particuliers en recherche de terrain pour des besoins particuliers (chevaux, terrain de loisir, …), des investisseurs recherchant un placement, …
Lorsque les terres sont louées, compte tenu des particularités du statut du fermage, il y aura beaucoup moins d’acquéreurs potentiels : les agriculteurs voisins ne seront sans doute pas intéressés s’ils ne peuvent pas les exploiter, les particuliers ne seront pas non plus intéressés. Il ne reste que 2 types de candidats : le fermier en place et des investisseurs cherchant une rentabilité locative.
L’investisseur recherchant un placement rentable va déterminer son prix d’achat selon le montant des fermages qu’il peut percevoir. Ceux-ci étant plafonnés, la valorisation des terres sera ainsi tirée vers le bas.
La concurrence est donc faible pour le fermier qui peut ainsi bénéficier d’une décote.
Et dernier point, le fermier dispose d’un droit de préemption. Ce droit lui permet de se substituer à un acquéreur et même de demander au juge de réviser le prix de vente s’il estime celui-ci trop élevé.
Le propriétaire qui veut vendre un bien loué doit en effet obligatoirement notifier le projet de vente à son fermier. Celui-ci dispose d’un droit de préemption qui prime notamment celui de la SAFER.
Si le prix apparait trop élevé au fermier, il peut saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour demander une évaluation judiciaire du prix de vente.
Le juge désignera un expert foncier qui réalisera une mission d’estimation. Il s’appuiera sur les caractéristiques des parcelles en vente, sur les transactions locales et appliquera également une décote pour tenir compte du statut locatif de la parcelle.
Bailleur et fermier seront libres d’accepter ou non le prix défini judiciairement.
Dans tous les cas, cette procédure prendra beaucoup de temps et suffit très souvent à faire fuir les investisseurs qui étaient intéressées par l’investissement foncier. Le propriétaire n’a plus alors qu’un seul candidat face à lui, le fermier, ce qui conduira inévitablement à une valorisation à la baisse.
Une évaluation judiciaire peut également être réalisée à la demande du juge dans d'autres situations comme par exemple dans le cadre d'un conflit entre des indivisaires.
Idéalement pour évaluer la valeur d’une parcelle de foncier, il faut donc connaitre parfaitement le marché local.
Attention, les prix qui circulent oralement sont rarement les vrais prix de vente. En effet, lorsqu’une transaction se réalise et qu’un prix est connu, la tendance est forte de diviser le prix de vente par le nombre d’hectares pour calculer un prix à l’hectare. Mais les personnes qui font ce calcul n’ont pas toujours connaissance de tous les éléments de la vente et ne déduisent pas de la vente les autres éléments de la cession (bâtiments, matériel, cheptel, …).
Les statistiques de la SAFER donnent des tendances mais au niveau d’une zone géographique large et ne sont donc pas suffisamment précis.
Vous trouverez dans notre blog des articles présentant le prix des terres et le prix des vignes par régions et département mais ces prix restent des moyennes indicatives basées sur les statistiques de la SAFER.
Nous vous conseillons de vous rapprocher de spécialistes pour déterminer un prix de vente pertinent. Les experts fonciers ont accès à toutes les transactions locales et ont toutes les compétences pour déterminer un prix de vente tenant compte des caractéristiques des parcelles. Les professionnels de l’immobilier (notaires et agences spécialisées) ont également une bonne connaissance du marché local qui leur permettent de vous conseiller utilement.
Un terrain agricole qui devient constructible verra naturellement sa valeur fortement augmenter. La valorisation ne se fera plus à l'hectare mais au mètre carré de terrain constructible. Nous constatons également qu'un terrain qui est susceptible de changer de destination d'ici quelques années voit déjà sa valeur progresser à la hausse.
La proximité des villes, des bourgs et des zones d'activités est donc un critère qui influe déjà à la hausse sur la valorisation des terrains.
Toutefois, la Loi Zero Artificialisation Nette limite très fortement la possibilité pour les communes et les collectivités locales d'artificialiser les surfaces agricoles d'ici 2030. Il sera donc utile de se rapprocher du service d'urbanisme de votre commune pour savoir si le terrain est susceptible de devenir constructible dans les années à venir.
Le prix de mise en vente d’un bien est souvent différent du prix de vente effectif. La négociation fait en effet partie intégrante d’une vente.
A quel prix, faut-il mettre en vente pour obtenir un prix défini ?
Par expérience, la marge de négociation doit rester faible. En effet, au-delà d’un certain niveau, l’acquéreur ne voudra pas réaliser d’offre d'achat, ni même solliciter des informations complémentaires auprès du vendeur.
Pour rester dans une marge de négociation acceptable, nous vous conseillons de ne pas excéder votre prix de vente objectif de plus de 10%.
S’il est difficile d’estimer le prix de vente d’un terrain agricole, il est nécessaire de comprendre les mécanismes jouant à la hausse ou à la baisse sur la valorisation. Nous espérons vous avoir apporter les clés permettant de comprendre les modalités de valorisation d’une parcelle de foncier agricole.
Mais in fine, seul un professionnel sera en capacité de vous donner une évaluation indépendante tenant compte des spécificités du marché local.