Mis à jour le 12 mars 2023
Comment fixer le prix de vente d’un terrain agricole ? Faut-il appliquer une décote si le bien est loué ? Peut-on fixer comme on veut le prix de vente ? Quel est l’impact des DPB sur l'estimation des terres ? Autant de questions sur lesquelles nous sommes régulièrement sollicités lors du projet de vente d’une exploitation agricole. Tour d’horizon des éléments à prendre en compte.
Le Ministère de l'Agriculture publie chaque année un barème indicatif sur la valeur marchande moyenne des terres agricoles en France (voir le barème pour l'année 2023 publié en juillet 2024 sur le site Légifrance). Ce document est publié à titre indicatif et peut-être utilisé par les contribuables notamment pour évaluer des terrains agricoles pour le calcul de l'IFI (Impôt sur la Fortune Immobilière) ou pour le calcul de droits de succession.
Il contient pour chaque secteur de chaque département, un prix moyen, un prix minimum et un prix maximum. Il comprend 4 tableaux en fonction du statut des terres : terrains libres, terrains loués, dans les Départements et Régions d'Outre Mer et pour les vignes.
Ces données proviennent en fait des statistiques de la SAFER qui a notamment pour mission de service public de gérer un observatoire du prix des terres. C'est d'ailleurs à partir de ces mêmes statistiques que nous rédigeons nos articles relatifs au prix des terres libres ou louées.
Si ce document est un outil utile, il est néanmoins insuffisant pour réaliser l'estimation du prix de terrains agricoles. Les statistiques sont en effet réalisées au niveau de petites régions agricoles avec des prix par région qui peuvent être très éloignés des prix moyens sur une commune.
L’administration fiscale publie tous les 6 mois les transactions immobilières réalisées en France sur le semestre précédent et ceci depuis 2014. Ces données statistiques sont accessibles sur internet et il est possible de les consulter notamment sur le site internet DVF et sur de nombreux autres sites utilisant les mêmes données.
Attention car, concernant les données sur les ventes de terrains agricoles, de bois et forêts, … le risque d’une mauvaise interprétation des données est important.
En effet, lorsqu’une vente porte sur plusieurs parcelles, le site DVF permet de voir le prix global de vente et les autres parcelles vendues si elles font partie de la même section cadastrale.
Si d’autres parcelles ont été vendues et sont situées sur une autre section cadastrale, la transaction portera la mention que d’autres parcelles ont été vendues sur une autre section cadastrale sans possibilité d’identifier ces parcelles.
Plus gênant encore, si la vente porte sur des parcelles situées sur plusieurs communes, aucune mention ne sera portée sur la parcelle examinée et il ne sera donc pas possible de le savoir.
Il est tout d’abord nécessaire de rappeler que la fixation du prix de vente du foncier agricole est libre.
Le prix des terres agricoles va être déterminé par la rencontre de la demande du vendeur avec le besoin d’un acquéreur.
Il pourra varier selon la qualité agronomique des parcelles, leur taille, leur accès, l’accès à l’eau ou l’irrigation, la pente, la conjoncture économique, … et du marché local.
Par exemple, une pression foncière importante (demande importante des acquéreurs) conduit logiquement à une progression des prix de vente. Et à l’inverse, un marché ou il y aurait plus de vendeurs que d’acheteurs conduira à une possible baisse de prix.
La SAFER (Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural) contrôle qui peut acheter des parcelles de terrain agricole avec pour objectif de favoriser les installations d’agriculteurs et d’éviter la spéculation. Elle dispose à ce titre d’un droit de préemption qui lui permet d’acquérir des terres à la place d’un acquéreur pour les restituer ensuite à un agriculteur qu’elle juge prioritaire au regard de ses missions.
Elle a également pour mission d’apporter une information transparente sur le marché du foncier agricole et elle publie à ce titre des statistiques sur les prix moyens de vente. Ces prix sont indicatifs et ne sont pas des prix qui s’imposent obligatoirement aux vendeur et aux acquéreurs.
Un élément vient tout de même jouer à l’encontre du principe de liberté des prix : la préemption avec révision de prix.
La SAFER, si elle souhaite préempter sur un bien pour l’attribuer à un autre candidat, peut proposer une préemption avec révision de prix. S’appuyant sur des références locales de transaction, si ces prix sont inférieurs d’au moins 10% au prix convenu entre les parties, elle propose alors au vendeur de préempter sur un prix révisé à la baisse.
Le propriétaire peut refuser cette proposition et retirer son bien de la vente. Il ne pourra pas alors représenter la vente du même bien dans les conditions initiales tant que le marché n’aura pas évolué significativement.
Il est difficile de savoir si la SAFER utilise la préemption avec révision dans le seul but d’éviter une augmentation des prix moyens ou si elle souhaite réellement favoriser un autre candidat.
Les caractéristiques du terrain ont un impact très fort sur sa valorisation.
Le premier élément permettant de déterminer la valeur d’un terrain est la localisation et donc le marché local. En effet, c’est le rapport local entre l’offre et la demande qui détermine un prix moyen qui évolue, à la hausse ou à la baisse, au fil du temps.
Des parcelles de qualité identique mais situées dans des régions différentes auront donc une valeur vénale de base nécessairement différente. Les autres critères n’auront qu’un impact à la hausse ou à la baisse sur cette valeur moyenne.
Attention, les prix qui circulent oralement sont rarement les vrais prix de vente. En effet, lorsqu’une transaction foncière se réalise et qu’un prix est connu, la tendance est forte de diviser le prix de vente par le nombre d’hectares pour calculer un prix à l’hectare. Mais les personnes qui font ce calcul n’ont pas toujours connaissance de tous les éléments de la vente et ne déduisent pas de la vente les autres éléments de la cession (bâtiments, matériel, cheptel, …).
La valeur agronomique d’une parcelle est définie par plusieurs critères clés, qui influencent directement sa productivité, sa rentabilité et son aptitude à une culture donnée. Voici les principaux éléments à prendre en compte :
1. Facteurs liés à la qualité du sol
a) Nature et structure du sol
b) Fertilité chimique
c) Drainage et hydromorphie
2. Facteurs climatiques
3. Facteurs topographiques
4. Facteurs d’usage et historiques
5. Accès aux ressources et infrastructures
6. Pression parasitaire et biodiversité
7. Contexte économique et réglementaire
La valeur agronomique d’une parcelle est donc une combinaison de facteurs physiques, biologiques et économiques. Elle doit être évaluée en fonction de l’usage prévu (grandes cultures, élevage, vigne…) et des possibilités d’amélioration (amendements, drainage, irrigation).
Les agriculteurs (pour certaines productions) perçoivent des aides économiques de l’Union Européenne par le biais de Droits à Paiement de Base (DPB). Ils peuvent en complément percevoir des aides liées à des engagements agri environnementaux. Un agriculteur peut posséder autant de DPB qu’il possède d’hectares. La valeur de ces DPB est lié à l’historique des aides qui étaient perçues par les exploitations agricoles avant la mise en place de ce régime.
Lorsqu’un agriculteur achète des terres, il souhaite acquérir autant de DPB que d’hectares. Car sans ces DPB, il ne pourra pas bénéficier des subventions européennes.
La présence ou l’absence de ces DPB lors de la vente de terre agricole a donc une incidence directe sur le revenu qu’un agriculteur pourra percevoir et donc sur la valeur des terres.
Si le vendeur est le détenteur des DPB, la valorisation du terrain sera donc plus élevée que lorsque la vente est faite par un propriétaire qui n’est pas l’exploitant. En effet, l’acheteur du terrain devra trouver un accord en direct avec l’exploitant des terres (le locataire) pour acheter ses DPB.
C’est un élément de plus qui explique la décote sur la valorisation des terres louées par rapport à des terres libres de location.
Le prix des terres dépend de multiples facteurs. Le statut locatif a un impact direct : des terres libres de location valent généralement plus chères que des terres louées. Une décote sur le prix de vente des terres louées est constatée qui peut être nulle ou aller jusque 30% selon les régions.
Cette décote est utilisée par les propriétaires pour diminuer la valorisation de leur terrain dans le cadre de transmission à titre gratuit (donation, succession, …) ou pour le calcul de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (IFI). La baisse de valeur permettra alors de diminuer l’impôt ou le montant de droits d’enregistrements.
Pourquoi y a-t-il une décote sur la valeur des terres louées ?
C’est avant tout le constat d’un marché qui est moins favorable au vendeur.
Lorsque les terres sont libres de location, il y a potentiellement beaucoup d’acquéreurs : les agriculteurs voisins, les particuliers en recherche de terrain pour des besoins particuliers (chevaux, terrain de loisir, …), des investisseurs recherchant un placement, …
Lorsque les terres sont louées, compte tenu des particularités du statut du fermage, il y aura beaucoup moins d’acquéreurs potentiels : les agriculteurs voisins ne seront sans doute pas intéressés s’ils ne peuvent pas les exploiter, les particuliers ne seront pas non plus intéressés. Il ne reste que 2 types de candidats : le fermier en place et des investisseurs cherchant une rentabilité locative.
L’investisseur recherchant un placement rentable va déterminer son prix d’achat selon le montant des fermages qu’il peut percevoir. Ceux-ci étant plafonnés, la valorisation des terres sera ainsi tirée vers le bas.
La concurrence est donc faible pour le fermier qui peut ainsi bénéficier d’une décote.
Et dernier point, le fermier dispose d’un droit de préemption. Ce droit lui permet de se substituer à un acquéreur et même de demander au juge de réviser le prix de vente s’il estime celui-ci trop élevé.
Un terrain agricole qui devient constructible verra naturellement sa valeur fortement augmenter. La valorisation ne se fera plus à l'hectare mais à un prix au mètre carré de terrain constructible. Nous constatons également qu'un terrain qui est susceptible de changer de destination d'ici quelques années voit déjà sa valeur progresser à la hausse.
La proximité des villes, des bourgs et des zones d'activités est donc un critère qui influe déjà à la hausse sur la valorisation des terrains.
Toutefois, la Loi Zéro Artificialisation Nette limite très fortement la possibilité pour les communes et les collectivités locales d'artificialiser les surfaces agricoles d'ici 2030. Il sera donc utile de se rapprocher du service d'urbanisme de votre commune pour savoir si le terrain est susceptible de devenir constructible dans les années à venir.
Idéalement pour évaluer la valeur d’une parcelle de foncier, il faut donc connaitre parfaitement le marché local et pouvoir accéder à des données qui ne sont pas accessible à tous et également savoir les interpréter.
Les statistiques de la SAFER donnent des tendances mais au niveau d’une zone géographique large et ne sont donc pas suffisamment précis.
Vous trouverez dans notre blog des articles présentant l'évolution des prix des terres et des prix des vignes par régions et département mais ces prix restent des moyennes indicatives basées sur les statistiques de la SAFER.
Nous vous conseillons de vous rapprocher de spécialistes pour déterminer un prix de vente pertinent. Un expert en évaluation immobilière a accès à toutes les transactions locales et a tous les outils et les compétences pour déterminer un prix de vente tenant compte des caractéristiques des parcelles. Les professionnels de l’immobilier (notaires et agences spécialisées) ont également une bonne connaissance du marché foncier local qui leur permettent de vous conseiller utilement.
Nous avons également accès à toutes les informations et aux outils pour réaliser un travail d’expertise en évaluation de vos terrains agricoles.
Nous proposons un service d’Etude de Valorisation Foncière permettant à chaque propriétaire, fermier, acquéreur de foncier de connaitre le marché local et les transactions sur les 5 dernières années.
Nous réalisons également une analyse cartographique personnalisée des parcelles qui nous permet de déterminer une fourchette de valorisation de vos terrains agricoles.
Ce service est moins complet qu’une expertise en évaluation mais est nettement plus accessible financièrement.
Le propriétaire qui veut vendre un bien loué doit obligatoirement notifier le projet de vente à son fermier. Celui-ci dispose d’un droit de préemption qui prime notamment celui de la SAFER.
Si le prix apparait trop élevé au fermier, il peut saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour demander une évaluation judiciaire du prix de vente.
Le juge désignera un expert foncier qui réalisera une mission d’estimation. Il s’appuiera sur les caractéristiques des parcelles en vente, sur les transactions locales et appliquera également une décote pour tenir compte du statut locatif de la parcelle.
Bailleur et fermier seront libres d’accepter ou non le prix défini judiciairement.
Dans tous les cas, cette procédure prendra beaucoup de temps et suffit très souvent à faire fuir les investisseurs qui étaient intéressées par l’investissement foncier. Le propriétaire n’a plus alors qu’un seul candidat face à lui, le fermier, ce qui conduira inévitablement à une valorisation à la baisse.
Une évaluation judiciaire peut également être réalisée à la demande du juge dans d'autres situations comme dans le cadre d'un conflit entre des indivisaires.
Le prix de mise en vente d’un bien est souvent différent du prix de vente effectif. La négociation fait en effet partie intégrante d’une vente.
A quel prix, faut-il mettre en vente pour obtenir un prix défini ?
Par expérience, la marge de négociation doit rester faible. En effet, au-delà d’un certain niveau, l’acquéreur ne voudra pas réaliser d’offre d'achat, ni même solliciter des informations complémentaires auprès du vendeur.
Pour rester dans une marge de négociation acceptable, nous vous conseillons de ne pas excéder votre prix de vente objectif de plus de 10%.
S’il est difficile d’estimer la valeur d’un terrain agricole, il est nécessaire de comprendre les mécanismes jouant à la hausse ou à la baisse sur la valorisation. Nous espérons vous avoir apporter les clés permettant de comprendre les modalités de valorisation d’une parcelle de foncier agricole.
Mais in fine, seul un professionnel sera en capacité de vous donner une évaluation complète et indépendante tenant compte des spécificités du marché local.
Notre service de valorisation des terres agricoles vous apportera également des indications précises et très utiles pour vous aider à déterminer la vraie valeur de votre foncier agricole.