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Peut-on vendre des vignes louées ?

Publié le May 17, 2022 par Bernard Charlotin
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Peut-on vendre des vignes louées ?

Vous possédez une ou plusieurs parcelles de vignes louées et que vous souhaitez vendre. La situation, bien que très courante, est malgré tout assez complexe au regard du statut du fermage : Décryptage.

Sommaire
1. Le droit au renouvellement du locataire
2. Des possibilités de s’opposer au renouvellement du bail
3. La cession du bail
4. Vendre le bien à son fermier
5. Vendre le bien avec un fermier en place
6. Le droit de préemption du fermier
7. Un investissement attractif malgré la complexité juridique
8. En résumé

Le droit au renouvellement du locatairesignature contrat

Il faut tout d’abord faire un point sur les droits de votre locataire, le fermier. Le code rural est très strict (article L 411-1 et suivants) et la majorité des dispositions du contrat de location sont prévues par la loi sans possibilité d’y déroger.

Ainsi, dans le cadre d’un bail rural, le contrat a une durée minimale de 9 ans et le fermier bénéficie d’un droit automatique au renouvellement du bail.

Même s’il n’est pas écrit, le bail (payant) qui porte sur un bien viticole est un bail rural (on parle alors de bail verbal) soumis aux mêmes règles de durée et de renouvellement. Une difficulté résidera toutefois dans l’incertitude sur la date de démarrage du contrat, nous le verrons plus tard.

Contrairement aux baux d’habitation, le souhait de vente des vignes par le propriétaire ne lui permet pas de s’opposer au renouvellement du bail.

En tant que propriétaire vous avez donc plusieurs options : 

  • Vendre les parcelles de vignes louées
  • Vendre les vignes à votre fermier
  • Vous opposer au renouvellement du bail pour vendre les vignes libre de location

Des possibilités de s’opposer au renouvellement du bail

Ce droit au renouvellement n’est pas universel et certaines circonstances peuvent vous permettre de vous y opposer : 

  • Non-respect des conditions d’exploitation et d’habitation par le fermier
  • Le fermier atteint l’âge de la retraite
  • Reprise du bien pour y construire une habitation
  • Reprise du bien pour l’exploiter soi-même ou par son conjoint ou ses descendants 

Lorsque le fermier atteint l’âge de la retraite, vous pouvez lui donner congés à la date d’expiration du bail ou au bout de 3 ans dans le cas où le bail est renouvelé.

Exemple : Le bail des vignes est arrivé à son terme le 31 décembre 2021 et a été renouvelé. Le fermier atteint les 62 ans au cours de l’année 2023, Le bailleur pourra donc demander le non renouvellement du bail pour le 31 décembre 2024, 2027, 2030, …

Attention : Pour s’opposer au renouvellement du bail, le propriétaire doit respecter un formalisme très strict : notifier au fermier sa décision par acte d’huissier au minimum 18 mois avant le terme de ce bail. L’intervention d’un professionnel du droit rural est conseillée pour éviter toute erreur. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un bail verbal ou la date de démarrage (et donc de fin) est difficile à prouver officiellement.

La reprise pour exploiter le bien fera l’objet d’un article spécifique très prochainement.

vignesLa cession du bail

Mais ce n’est pas non plus parce que votre propriétaire arrive à l’âge de la retraite que vous pourrez mettre un terme au bail.

Le fermier dispose en effet de la possibilité de céder le bail à son conjoint ou à ses descendants.

Votre accord est toutefois nécessaire. Si vous n’êtes pas d’accord pour cette cession, votre fermier pourra alors saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour obtenir cette autorisation. Sauf mauvais entretien, retard répété de paiement, …, bref des fautes qui sont imputables au fermier dans la vie du bail, le Tribunal autorisera le plus souvent la cession de ce bail.

Vendre le bien à son fermier

Votre fermier bénéficie d’un droit à renouvellement de son bail et d’un droit de cession à ses descendants. Rien n’oblige toutefois les 2 parties à maintenir la location s’ils ne le souhaitent pas.

Vous pouvez parler à votre fermier de votre projet de vente. Si vous trouvez un accord sur les modalités de l’achat, vous pouvez à n’importe quel moment du bail ou de ses renouvellements signer une convention de résiliation amiable entre vous et réaliser la vente.

A noter, d’ailleurs que si le bail a plus de 2 ans d’ancienneté, le fermier bénéficiera de droits d’enregistrement réduits lui permettant de réduire sensiblement les frais d’actes (une économie de plus de 5%). Et la SAFER ne bénéficiera pas d’un droit de préemption si le bail a plus de 3 ans car dans cette situation les droits du fermier sont prioritaires sur ceux de la SAFER.

Vous pouvez également proposer à votre fermier une résiliation amiable du bail accompagnée en contrepartie d’une indemnité de résiliation. Libre à lui d’accepter ou pas. S’il accepte, vous pourrez alors rechercher un acquéreur avec des vignes libres de location.

Vendre le bien avec un fermier en place

Si vous n’avez pas trouvé d’accord avec votre fermier, vous pouvez toutefois toujours chercher un acheteur.

Ce pourra être un investisseur : une personne qui achète les vignes comme un placement et qui souhaite percevoir des fermages.

Ou alors un futur exploitant : un acquéreur qui demandera le non-renouvellement du bail à son terme pour l’exploiter lui-même. Compte tenu des délais d’acquisition et des délais de notification du congé, ce futur propriétaire devra démarrer son projet longtemps avant le terme du bail.

Le fait que les vignes soient louées a une incidence sur le prix de vente. Le prix subit en effet une décote moyenne de 20% qui s’explique par le plus faible nombre d’acquéreurs potentiels et par le montant des fermages relativement faibles au regard des valeurs des vignes.

Autre point important, votre acquéreur reprend le bail avec toutes ses conditions. Il ne sera pas possible de modifier le bail sans l’accord du fermier, sauf dans la situation ou le fermage est excessivement bas par rapport aux usages. Le nouveau propriétaire pourrait alors saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour demander une revalorisation.

Le droit de préemption du fermierDroit

Votre fermier vous a indiqué qu’il ne voulait pas acheter les vignes dans les conditions que vous lui proposiez. Vous avez cherché et trouvé un acquéreur pour ces parcelles.

Vous devez quand même informer votre fermier des conditions de la vente car il bénéficie d’un droit de préemption.

Le notaire va donc notifier la vente au fermier qui disposera alors de 3 options : 

  • Exercer dans les 2 mois son droit de préemption aux conditions prévues dans l’acte
  • Saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour demander de fixer un prix de vente différent. Le Tribunal nommera alors un expert chargé d’expertiser et évaluer les vignes. Chacune des parties peut ensuite accepter ou refuser le résultat de cette estimation.
  • Accepter la vente projetée par le bailleur avec maintien du bail en place. Ce sera la situation par défaut en l’absence de réponse de sa part dans un délai de 2 mois.

Attention, une modification même infime des conditions de la vente nécessite de relancer la procédure de notification du droit à préemption.

Les ventes dans le cercle familial et les donations ou successions n’ouvrent pas le droit de préemption du fermier.

Il existe toutefois une exception à ce droit de préemption. Le preneur n’en bénéficie que s’il est propriétaire lui-même une surface de foncier inférieure à 3 fois la Surface Minimum d’Installation. Cette surface est définie au niveau de chaque département.

Le fermier qui exerce son droit de préemption a l’obligation d’exploiter la vigne pour une durée minimale de 9 ans.

Un investissement attractif malgré la complexité juridique

Au regard des droits du fermier, si vos relations ne sont pas bonnes, il vous sera peut-être difficile de trouver un acquéreur qui acceptera ces complexités juridiques.

Pourtant, l’investissement dans la vigne est de plus en plus prisé et recherché par des investisseurs.

En effet, depuis plusieurs années les taux d’intérêts sont très faibles. Cette baisse de rentabilité a redonné de l’attrait à l’investissement viticole. Les fermages de vignes représentent en effet en France entre 1 et 5% de la valeur des vignes. De plus, depuis 30 ans, la valeur des vignes a progressé très fortement dans certains vignobles et dans les appellations les plus prestigieuses.

La vigne est donc un placement attractif d’autant plus qu’un bail à long terme permettra d’obtenir des avantages fiscaux en cas de donation, succession ou au titre de l’Impôt sur la Fortune Immobilière.

En résumé

Nous vous conseillons donc, si vous souhaitez vendre vos parcelles de vignes louées, de prendre contact avec votre fermier pour lui proposer l’achat.

En cas de refus d’achat par votre fermier, vous pouvez lui proposer une résiliation amiable de votre bail pour mettre en vente un vigne libre de location.

En savoir plus :

  1. Les spécificités du bail rural
  2. Le caractère universel du bail rural
  3. Le fermage
  4. Durée et fin du bail rural
  5. Les autres types de locations agricoles
  6. Cession, échange et sous-location du bail rural
  7. Le droit de préemption du fermier
  8. Bail rural et succession
  9. La résiliation du bail
  10. Peut-on vendre des terres louées ?
  11. Comment reprendre un terrain loué pour l’exploiter ?
  12. Le contrat de location vente sur un terrain agricole
  13. Comment calculer le montant du fermage ?
  14. Comment calculer le montant du fermage pour des vignes ?