Sauf exception, vous ne pouvez pas résilier un contrat de bail rural pour reprendre des terres agricoles afin de les vendre ou pour votre usage personnel.
Nous avons consacré un article au cas particulier de la « reprise d’un bien loué pour l’exploiter soi-même » (voir lien en bas de page). C'est une possibilité qui est ouverte par la Loi.
L'objet de cet article est la reprise par son propriétaire d’un bien agricole loué à un agriculteur (qu'il s'agisse d'une parcelle de terre ou d'un bâtiment agricole) pour un usage autre que son exploitation. Nous vous présenterons les règles protégeant le preneur et les voies offertes permettant de rompre le contrat.
Intéressons-nous d’abord à la situation des personnes qui nous posent cette question. Il s’agit le plus souvent de personnes qui ont hérité de terres agricoles et qui ne connaissent pas du tout les subtilités du statut du fermage.
N’ayant pas de liens particuliers avec l’agriculture et encore moins avec le locataire des terres, ils constatent que le loyer (le fermage) perçu chaque année est relativement faible. La question se pose alors d'une vente du foncier ou de le récupérer pour une utilisation personnelle (jardin, terrain pour des chevaux, terrain de loisir, …).
Face à cette demande, nous essayons d’expliquer au mieux les particularités des baux ruraux (très différents des contrats pour les maisons ou les appartements que l'on rencontre dans l'immobilier classique).
Il est extrêmement difficile pour un propriétaire de récupérer un terrain ou un bâtiment agricole loué à un agriculteur et ceci pour de nombreuses raisons que nous vous détaillons.
C’est sans aucun doute le 1er point à rappeler : toute location payante portant sur un bien agricole est qualifiée de bail rural.
Peu importe qu'il soit écrit ou uniquement verbal ou encore que le paiement soit uniquement un remboursement de taxe foncière ou la fourniture de denrée.
Il existe quelques exceptions au baux ruraux mais qui sont très restrictives.
Le décès du propriétaire d’un bien agricole n’a aucun impact sur le contrat qui se poursuit au profit son titulaire dans les mêmes conditions. Sauf le paiement des fermages qui se fera au profit des héritiers indivisaires ou du bénéficiaire du partage.
Le bail à ferme est le plus souvent conclu pour une durée de 9 ans. Au terme de ce délai, il ne s'arrête pas mais se renouvelle automatiquement pour 9 ans supplémentaires.
Le souhait du propriétaire de récupérer le bien à titre personnel ou pour une vente n’est pas un motif permettant de s’opposer à son renouvellement.
Le contrat se renouvelant de 9 ans en 9 ans, le preneur vieillit et peut bientôt bénéficier de sa retraite. Le bailleur pourra alors s’opposer au renouvellement lorsque son locataire aura atteint l’âge légal de la retraite. Il pourra le faire au terme des 9 ans ou au terme de chaque échéance triennale (tous les 3 ans) dans le cas d’un renouvellement.
Il est donc essentiel de connaître précisément la date de signature du contrat pour déterminer la date de renouvellement : situation très difficile à défaut d'une convention écrite.
Le preneur peut demander à l'autre partie l’autorisation de céder le bail à son conjoint ou à ses descendants. En cas de contestation du bailleur, le preneur peut alors saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux qui se prononcera le plus souvent en sa faveur si le bénéficiaire de la cession a une activité agricole ou une formation agricole.
A noter que si l'agriculteur n’a pas exécuté loyalement les termes de son contrat, il peut se voir refuser le bénéfice de cette mesure. Ce sera par exemple le cas s’il a payé systématiquement son fermage en retard, s’il a coupé des arbres appartenant à son propriétaire, …
Lorsque le propriétaire a la capacité agricole (diplôme ou expérience professionnelle), il peut s’opposer au renouvellement du bail pour reprendre le bien et l’exploiter lui-même. La reprise à titre non professionnel ne sera pas acceptée.
Le propriétaire doit respecter une procédure spécifique (courrier remis par huissier 18 mois avant le terme, clauses obligatoires à insérer, ...) et remplir de nombreuses conditions, outre celle de sa capacité agricole : obtenir une autorisation d’exploiter au titre du Contrôle des Structures, exploiter lui-même le bien pendant une durée minimale de 9 ans, …
C’est un motif qui permet au bailleur de résilier prématurément un bail : Si votre parcelle devient constructible, vous pouvez alors résilier partiellement le bail. Vous serez par contre redevable d’une indemnité au profit de votre preneur. Cette indemnité sera calculé par principe selon un barème qui est défini par la Chambre d’Agriculture de votre département et qui tient compte de la perte de revenu subie par votre locataire.
La faute du locataire est également un motif permettant de stopper le contrat. Ces motifs sont énumérés par la Loi (article L 411-31 du code rural)?: le défaut de paiement des fermages, la mauvaise exploitation des biens, le non-respect de clauses environnementales, la sous-location du bail, …
La mise à disposition par l'exploitant du terrain au profit d'une société n'est pas une sous-location et n'est pas donc un motif possible de résiliation sauf s'il ne vous en a pas informé.
Si vous n’avez pas de motif légal pour rompre le bail de votre locataire, vous pouvez lui demander de le résilier à l'amiable. Il n'est bien entendu pas obligé d'accepter cette proposition.
Cet accord prendra la forme d’un contrat signé avec votre locataire indiquant les modalités de cette résiliation : les parcelles concernées, la date d’effet de la résiliation. Il faudra peut être prévoir une indemnité contractuelle avec le preneur qui sera le prix à payer pour retrouver un bien libre.
Nous vous conseillons fortement de faire appel à un professionnel du droit pour vous assister dans la rédaction d’un tel document.
A l'occasion de la 1ère mise en location ou d'un changement de locataire, il peut être opportun de réfléchir à cet objectif de pouvoir récupérer librement le bien au bout de quelques années.
Plusieurs contrats offrent cette possibilité que nous vous présentons dans un article consacrés aux autres types de contrats de louages agricoles : le prêt à usage, la convention de mie à disposition SAFER, le bail de carrière, ...
Si vous ne pouvez pas mettre fin à votre bail, vous pouvez toujours vendre votre bien.
Vous pourrez le vendre à :
Le droit de préemption du fermier est prioritaire. S'il ne l'exerce pas, il faut alors purger le droit de la SAFER, qui dispose d'un délai de 2 mois pour l'exercice de ce droit. Ce risque sera plus ou moins fort selon la zone géographique et la pression foncière locale.
Vous le constatez, la réglementation des baux ruraux est extrêmement protectrice pour le locataire. Instauré en 1946 après la 2ème guerre mondiale, le bail a été conçu pour favoriser le développement de la production agricole et est donc favorable à l’agriculteur. Il succédait également à un précédent régime qui était lui très protecteur des intérêts des propriétaires ce qui a conduit à un fort rééquilibrage.
Il n’y a donc que peu de motifs permettant au propriétaire de mettre fin à un bail portant sur des parcelles de terrains ou des bâtiments agricoles. Le souhait de récupérer un bien ou de le vendre ne sont pas des motifs permettant de résilier le bail.
Parmi les possibilités offertes pour un propriétaire, il y a donc :
En tout état de cause, il est nécessaire de se rapprocher d’un notaire, avocat ou spécialiste des baux ruraux dans toutes ces démarches.