Peut-on faire une location-vente sur un terrain agricole ? C’est une question qui revient très souvent et qui nécessite de bien comprendre le statut du fermage. Nous vous apportons notre éclairage.
Le contrat de location-vente est un contrat par lequel le locataire verse un loyer dont une fraction (la part acquisitive) sert à payer le prix d’acquisition du bien. Au bout d’un certain nombre d’année, le locataire peut devenir propriétaire du bien en levant l’option d’achat dont il dispose et en versant au propriétaire le solde du prix d’achat.
A défaut d’achat, le propriétaire devra reverser au locataire la part acquisitive.
Dans le domaine agricole, il est fréquent qu’un bailleur et un fermier souhaitent mettre en place ce type de contrat mais c’est difficilement réalisable.
Le bail rural est un contrat qui ouvre peu de libertés aux parties. En effet, de nombreuses clauses prévues dans le code rural sont dites d’ordre public, ce qui signifie qu’il n’est pas possible d’y déroger même avec l’accord du fermier et du bailleur. Toute clause qui vient à l’encontre de ce principe est donc nulle et réputée non écrite.
Il en est ainsi de la durée initiale du bail rural qui est de 9 ans minimum. L’agriculteur et son propriétaire n’ont donc pas le droit de conclure un bail pour une durée inférieure.
Le droit au renouvellement du bail pour le fermier est également une disposition d’ordre public. A l’issue du bail initial, le fermier dispose d’un droit au renouvellement pour une durée de 9 ans.
Il peut, 18 mois avant le terme du bail, informer le bailleur de son souhait de ne pas poursuivre le bail.
Le bailleur peut lui s’opposer au renouvellement du bail, par acte d’huissier 18 mois avant le terme, s’opposer au renouvellement du bail pour exploiter lui-même les terres. Le souhait pour le bailleur de vendre ses terres agricoles n’est pas un motif lui permettant de s’opposer au renouvellement du bail au profit du fermier.
Le montant du fermage est lui-même encadré par des minimas et maximas et un remboursement partiel des taxes foncières par le fermier. Il est interdit de prévoir le versement d’une somme complémentaire.
Au regard des 3 points vus précédemment, il est donc impossible d’insérer une clause de location-vente dans un contrat de bail rural car cette clause viendrait à l’encontre de la loi.
Il est également interdit de signer un contrat séparé du contrat de bail et qui comporterait ces clauses illicites.
Le fermier bénéficie lors de la signature du bail rural de droits auxquels il ne peut pas renoncer. Mais il peut le faire postérieurement.
C’est par exemple ce qu’il fait lorsqu’il signale à son propriétaire son souhait de ne pas renouveler le bail au plus tard 18 mois avant le terme du bail.
Il est donc tout à fait possible postérieurement à la signature du bail initial de conclure un accord prévoyant un achat par le fermier avant le terme du bail.
Par contre, il n’est pas certain que la clause d’un contrat prévoyant l’absence de renouvellement du bail à défaut d’achat du foncier par le fermier au cours de la période initiale du bail soit légale.
Il faut donc rester prudent sur la rédaction de ce type de clauses ou de contrats et faire appel à un notaire, un avocat ou un juriste spécialisé en droit rural.
Les clauses d’ordre public sont principalement conclues pour protéger le fermier. S’il n’est pas possible d’inclure une promesse d’achat, rien ne s’oppose à la signature d’une promesse de vente.
Tout d’abord, une rapide définition des différents contrats de vente .
La promesse d’achat : l’acheteur promet d’acheter le bien à un prix donné et à partir d’une date donnée. C’est donc le vendeur qui décide de « lever » ou non cette option.
La promesse de vente : le vendeur promet de vendre le bien à un prix donné et à partir d’une date donnée. . C’est donc l’acheteur qui décide de « lever » ou non cette option.
Le compromis de vente : le vendeur et l’acheteur s’engage mutuellement dans l’acte d’achat.
Il est donc tout à fait possible de prévoir une promesse de vente parallèlement à la signature d’un contrat de bail rural. En effet, c’est le fermier qui décidera ou non de passer à l’achat. A défaut d’achat, le bail se poursuivra avec les clauses classiques.
Si le fermier ne peut pas s’engager à acheter le terrain agricole qu’il va louer, une autre personne en a la possibilité.
Il est donc possible de signer un bail rural au profit d’une personne physique et de signer dans le même temps un compromis de vente au profit d’une personne morale (c’est-à-dire d’une société) par exemple. Ou de signer un bail rural au profit d’une société et la vente au profit d’une personne physique.
Ces contrats devront toutefois se faire en respectant les droits du fermier et notamment son droit de préemption. Et ne bénéficieront pas de l’exemption du droit de préemption de la SAFER au bout de 3 ans de location.
La motivation du bailleur et du fermier pour la mise en place d’une location-vente est quelquefois de contourner le droit de préemption de la SAFER.
La SAFER dispose en effet d’un droit de préemption sur toutes les ventes d’immeubles agricoles. Il existe toutefois une exception au profit du fermier. Lorsque le fermier est en place sur les terrains agricoles depuis au moins 3 ans, l’achat de ces biens par le fermier n’est pas soumis au droit de préemption de la SAFER.
Le notaire devra toutefois informer la SAFER de l’opération en lui indiquant qu’elle n’est pas soumise au droit de préemption. Et la SAFER est en droit de contester l’opération si elle considère que le bail était fictif et a été conclu dans le seul but de contourner son droit de préemption.
Le bail pour être valable nécessite notamment l’obtention d’une autorisation d’exploiter par le fermier et le paiement effectif des fermages. La SAFER pourra demander à vérifier ces éléments et décider d’intenter une action judiciaire.
Le statut du fermage a été mis en place après la 2ème guerre mondiale pour permettre à l’agriculture de se développer et équilibrer le rapport de force existant entre fermier et bailleur. Ce contrat très protecteur pour les agriculteurs est également un cadre juridique quelquefois trop rigide. Il empêche de mettre en place certaines opérations malgré l’accord entre les parties.
Il existe des possibilités pour mettre en place une vente parallèlement à un bail rural mais elles sont complexes et nécessitent un accompagnement par des spécialistes en droit rural.