Agricole   

La fiscalité de la vente d'une exploitation agricole

Publié le September 15, 2024 par Bernard Charlotin
Partager
La fiscalité de la vente d'une exploitation agricole

La vente d'une exploitation agricole est la dernière étape dans la vie d'un agriculteur, souvent liée à un départ à la retraite. Cette opération comporte de nombreux enjeux fiscaux qu'il est essentiel de bien appréhender pour optimiser sa situation financière. Voici les principaux aspects à prendre en compte lors de la cession d'une exploitation agricole.

Nous traitons dans cet article principalement la situation des exploitations agricole soumises à un régime d'imposition au bénéfice réel agricole et pas au micro-BA ou à l'impôt sur les sociétés.

Sommaire
1. La durée du dernier exercice comptable
2. Les cotisation sociales MSA
3. L'imposition ou l'exonération des plus-values
    3.1 Exonération en fonction des recettes
    3.2 Exonération liée au départ à la retraite
    3.3 Exonération en fonction du prix de cession
    3.4 Les plus-values des particuliers
4. La réintégration de dispositifs fiscaux antérieurs
    4.1 La moyenne triennale fiscale
    4.2 La Déduction pour Épargne de Précaution (DEP)
    4.3 La TVA sur la vente des actifs mobiliers
    4.4 Les reversements de TVA
    4.5 La présence de bénéfice sur les stocks
5. Le pacte Dutreil
6. En conclusion
7. En savoir plus :

La durée du dernier exercice comptable

La durée du dernier exercice comptable est un élément clé à considérer lors de la vente d'une exploitation agricole. En effet, un exercice long peut avoir un impact significatif sur l'imposition des bénéfices réalisés.

Exemple : la date de clôture de votre exercice comptable est au 31 mars et vous cessez votre activité agricole le 31 décembre.

La déclaration de revenus de l’année suivante comportera :

  • Un exercice de 12 mois clôturant au 31 mars (avec une année de paiement PAC)
  • Un exercice de 9 mois clôturant au 31 décembre (avec une année de paiement PAC)

Votre revenu agricole imposable sera très élevé (21 mois dont 2 années de paiement PAC) ce qui fera fortement progresser l’impôt sur le revenu à payer.

Conseil :  Il ne faut pas calculer uniquement l’impact au titre de l’impôt sur le revenu mais également tenir compte des cotisations sociales MSA.

Si vous décidez de reporter la cessation d’activité au 31 janvier, l’impôt sur le revenu de l’année de cessation sera fortement réduit car calculé sur 10 mois (au lieu de 21 mois). Vous devrez cependant payer des cotisations sociales MSA pour l’année complémentaire.

Les cotisation sociales MSA

Les cotisations sociales MSA ne sont pas un impôt mais il y a une particularité qui mérite d'être mentionnée dans les conséquences d'une cessation d'activité.

Le revenu de la dernière année d'activité n'est jamais soumis à cotisations sociales. En effet, les cotisations sociales sont appelées soit sur une assiette triennale (moyenne des revenus des années N-1, N-2 et N-3) soit sur une assiette annuelle (N-1).

Exemple : Si vous cessez votre activité en 2025, vous payez en 2025 des cotisations sociales sur la moyenne des revenus de 2024, 2023 et 2022 ou sur le revenu de l'année 2024 (en cas d'option à une assiette annuelle).

Et en 2026, n'étant plus agriculteur, vous n'aurez pas de cotisations sociales MSA à payer. Le revenu de l'année 2025 n'est donc pas soumis à cotisations.

Conseil : si vous vendez votre exploitation agricole pour reprendre une autre structure agricole, Votre revenu de cessation d’activité peut alors être soumis à cotisations sociales. C’est un élément important à prendre en compte dans votre prévisionnel financier.

L'imposition ou l'exonération des plus-values

L'un des enjeux majeurs de la vente d'une exploitation agricole concerne l'imposition des plus-values réalisées sur les éléments d'actif cédés (bâtiments, matériels, installations, …). Heureusement, il existe plusieurs dispositifs d'exonération dont les agriculteurs peuvent bénéficier sous certaines conditions.

Exonération en fonction des recettes

Les plus-values professionnelles peuvent être totalement exonérées d'impôt lorsque les recettes annuelles HT (ou chiffre d'affaires) réalisées lors des exercices clos au cours des deux années civiles précédant la cession n'excèdent pas 350 000 € (article 151 septies du CGI).

Au delà de ce seuil, entre 350 000 € et 450 000 €, l'exonération est partielle et dégressive.

Cette disposition s'applique pour le calcul de l'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des cotisations sociales MSA et n'est pas uniquement liée à une situation de cessation d'activité.

Exemple : Un agriculteur dont les recettes moyennes des deux dernières années s'élèvent à 330 000 € pourra bénéficier d'une exonération totale des plus-values lors de la vente de son exploitation.

Exonération liée au départ à la retraite

Pour les exploitants partant à la retraite (article 151 septies A du CGI), il existe un dispositif spécifique d'exonération de plus-value : le cédant doit cesser toute fonction dans l'entreprise ou la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux années suivant ou précédant la cession.

Exonération en fonction du prix de cession

Les plus-values réalisées à l'occasion de la transmission d'une entreprise individuelle ou d'une branche complète d'activité peuvent bénéficier d'une exonération partielle ou totale d'impôt sur le revenu (article 238 quindecies su CGI).

Depuis la loi de finances pour 2022, pour bénéficier d'une exonération totale, la valeur des éléments cédés ne doit pas excéder 500 000 €.Au-delà de ce montant, jusque 1 million d’euros, une exonération partielle peut s'appliquer.

Attention, ce système s’applique uniquement sur les plus-values réalisées sur les seuls biens mobiliers et pas sur les actifs immobiliers.

Les plus-values des particuliers

Lorsque vous exercez votre activité à titre individuel, vous avez le choix d’inscrire ou non les terres à votre bilan.

Pour les actifs immobiliers qui ne sont pas inscrits au bilan de l'entreprise, c'est le régime des plus-values des particuliers qui s'applique avec une exonération totale d'impôt après 22 ans de détention et une exonération des prélèvement sociaux après 30 ans de détention.

Un régime qui peut être plus ou moins avantageux selon votre situation et le souhait de vendre ou de louer.

Conseil : Assurez-vous de remplir toutes les conditions requises pour bénéficier de ces régimes particuliers, notamment en termes de durée d'activité et de respect des délais entre la cessation d'activité et le départ effectif à la retraite.

La réintégration de dispositifs fiscaux antérieurs

Lors de la vente de l'exploitation, certains dispositifs fiscaux utilisés antérieurement peuvent faire l'objet d'une réintégration ou d’une régularisation, impactant ainsi le résultat fiscal de l'année de cession.

La moyenne triennale fiscale

L'option à la moyenne triennale fiscale permet de calculer l'impôt sur le revenu sur les bénéfices agricoles des 3 dernières années. Ce qui permet de lisser le revenu agricole et évite de grimper dans les tranches d'imposition du barème fiscal (taux progressif d'imposition).

Lors de la dernière années d'imposition à ce régime, l'impôt sera calculé sur la moyenne des 3 dernières années. Un complément d'impôt sera calculé sur la différence entre le revenu de la dernière année et la moyenne triennale et soumis au taux marginal de l'impôt.

Exemple : Le revenu de la dernière année est de 100 000 € et le revenu des 2 année précédentes est de 25 000 €.

 

Revenu annuel

Moyenne triennale

Impôt sur le revenu

Taux marginal d’imposition

Année N

100 000 €

50 000 €

8 286 €

30%

Année N-1

25 000 €

Année N-2

25 000 €

Sur cette base, l'imposition pour un célibataire sera de 8 286 € (16,572% de taux moyen) avec un taux marginal (le taux le plus haut appliqué) de 30%.

Un complément de taxation sera appelé sur l’écart entre le revenu de l’année et la moyenne triennale :

 

Revenu annuel

Moyenne triennale

Ecart

Taux marginal d’imposition

Complément d’impôt

Année N

100 000 €

50 000 €

50 000 €

30%

15 000 €

L’impôt total à payer sera donc de 23 286 €.

Ce qui reste toutefois inférieur à l’impôt qui serait calculé sur un revenu de 100 000 € (25 229 €).

La Déduction pour Épargne de Précaution (DEP)

La DEP est un dispositif permettant aux exploitants de déduire chaque année une partie de leur bénéfice pour faire face aux aléas futurs. En cas de cession de l'exploitation, les sommes non encore utilisées doivent être réintégrées au résultat de l'exercice de cession.

Exemple : Un agriculteur ayant constitué une DEP de 30 000 € sur les dernières années et n'ayant utilisé que 10 000 € devra réintégrer 20 000 € à son résultat fiscal lors de la cession de son exploitation.

Conseil : Anticipez la réintégration de la DEP en planifiant son utilisation dans les années précédant la cession de l'exploitation.

La TVA sur la vente des actifs mobiliers

Par principe, la vente des actifs de l’exploitation soit être soumise à TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée).

Cependant, la cession peut se faire en dispense de taxation dans le cas d’une cession totale de l’exploitation ou d’une branche complète d’activité (article 257 bis du CGI). Pour en bénéficier, l’acquéreur doit s’engager à procéder aux régularisations ultérieures.

Les reversements de TVA

Si vous vendez des immeubles pour lesquels vous avez récupéré de la TVA depuis moins de 20 ans et que vous réalisez la vente au profit d’un acquéreur non assujetti à la TVA, vous devrez reverser une quote-part de la TVA initiale.

Exemple : Vous avez construit un bâtiment pour 200 000 € en 2012. La TVA remboursée par le fisc sur ce bâtiment était de 24 000 €. Vous revendez ce bâtiment en 2025. Vous devrez donc revers 6/20ème de la TVA initiale (car vous l’aurez utilisé sur 14 ans de 2012 à 2025) soit 7 200 €.

Si votre repreneur est assujetti à la TVA, un dispositif permet de lui reporter cet engagement sur 20 ans et donc de ne pas pratiquer ce reversement.

La présence de bénéfice sur les stocks

La vente de l'exploitation implique généralement la cession des stocks que ce soit au repreneur ou à des tiers, ce qui peut générer un bénéfice imposable si les stocks sont comptabilisés pour une valeur inférieure à leur prix de vente. Il est important de bien évaluer ces stocks et de prendre en compte leur impact fiscal.

Conseil : Envisagez la possibilité de réduire progressivement vos stocks dans les années précédant la cession pour minimiser l'impact fiscal. Attention toutefois à bien intégrer également l'impact social de ces ventes.

Le pacte Dutreil

Pour les transmissions à titre gratuit (donation ou succession), le pacte Dutreil permet de bénéficier d'un abattement de 75% sur la valeur des biens transmis. Ce dispositif peut être particulièrement intéressant dans le cadre d'une transmission familiale de l'exploitation.

En conclusion

Le droit rural est complexe est il en est de même pour la fiscalité agricole pour laquelle le Code Général des Impôts a prévu de nombreux dispositifs particuliers. Dans le cas de la vente d'une exploitation agricole, la situation est donc particulièrement complexe sur le plan fiscal. 

Il est vivement recommandé de se faire accompagner par un expert-comptable ou un fiscaliste spécialisé en agriculture pour optimiser sa situation et éviter les pièges fiscaux. Une bonne anticipation et une planification rigoureuse permettront de réduire significativement l'imposition liée à cette cession.

En savoir plus :

Voici des ressources complémentaires que nous mettons à votre disposition pour vous apporter toute l’information nécessaire à votre projet de transmission.