Agricole   

Vendre les actifs ou vendre les parts d’une société agricole

Publié le September 15, 2024 par Bernard Charlotin
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Vendre les actifs ou vendre les parts d’une société agricole

Si vous réalisez votre activité agricole dans le cadre d’une société (EARL, GAEC, SCEA, …), vous vous poserez la question de savoir si vous devez vendre les titres de votre société ou vendre les actif de la société lors de la vente de votre exploitation agricole.

Nous vous détaillons les avantages et les inconvénients de chaque situation pour vous aider à y voir clair et prendre sereinement votre propre décision.

Sommaire
1. Les spécificités d’une cession de société
    1.1 La reprise des actifs et des passifs
    1.2 Les engagements et contrats des associés
    1.3 Les actifs et les passifs non connus
2. La fiscalité sur les ventes de parts sociales
    2.1 Une économie pour le vendeur
    2.2 Un surcoût pour l’acquéreur
3. La cession des parts pour faciliter la cession
4. En conclusion
5. En savoir plus

Les spécificités d’une cession de société

Lorsque vous vendez votre société, vous allez céder des parts sociales ou des actions permettant à l’acquéreur (généralement nommé le cessionnaire dans les actes de cession) de détenir le capital social, de devenir majoritaire ou le seul associé de la société.

La reprise des actifs et des passifs

Il reprendra donc à la fois les actifs et les passifs de la personne morale.

Une vente classique porte sur des immeubles (foncier, bâtiments) et des biens meubles (matériel, cheptel, stocks, …)

Les actifs d’une société contiennent de nombreux autres éléments : des droits incorporels (DPB, brevets, logiciels, …), des actifs financiers (placements, participations dans des sociétés, parts sociales de coopératives ou de Cuma, …) et des actifs circulants (créances, comptes bancaires, …).

Côté passif, le transfert de la société signifie que les emprunts et les dettes se poursuivent.

Schématiquement, la valeur de reprise des titres de la société sera la suivante :

Valeur des titres = Valeur des actifs – valeur des passifs

Ce qui parait simple mais est en réalité plus complexe car le jour ou vous définissez un prix de vente, vous ne connaissez pas encore la valeur de tous les actifs ni la situation exacte des dettes de la société.

Une valeur provisoire est généralement définie avec un paiement au jour de la cession. Puis une valorisation définitive est ensuite réalisée sur la base de la situation réelle au jour de la cession.

Selon la complexité de la situation, l’écart peut être plus ou moins important avec la situation provisoire.

Les engagements et contrats des associés

Les associés vendeurs ont souvent des engagements envers la société. Ceux-ci prennent généralement fin lors de la cession (ou devront être supprimés).

C’est notamment le cas pour les garanties données par les associés comme par exemple les cautions personnelles sur les prêts souscrits par la société. La suppression de cette garantie ne pourra se faire qu’avec l’accord de l’établissement de crédit qui demandera des garanties équivalentes au cessionnaire.

Les associés ont un compte associé dans les comptes de la société. C’est une somme d’argent que leur doit la société en plus de la valeur de leurs parts sociales. Lors de sa sortie, le cédant va donc demander le remboursement de son compte courant d’associé ce qui signifie souvent que la société va devoir mettre en place un financement bancaire spécifique. Ce nouveau prêt viendra en complément des éventuels financements souscrits par le cessionnaire pour acquérir les parts sociales.

Par ailleurs, les associés peuvent être titulaires de baux qu’ils mettent à disposition de la société. Lors de leur retrait de la société, ces mises à disposition prennent automatiquement fin. L’acquéreur doit donc prendre contact avec les bailleurs pour obtenir la signature d’une location ou une vente à son profit.

Les actifs et les passifs non connus

En plus des actifs, le repreneur (souvent nommé le cessionnaire) reprendra également les contrats en cours qu’il s’agisse des contrats de travail ou des contrats avec des prestataires.

Il peut être difficile de déterminer clairement la nature des engagements liés à ces contrats et savoir s’ils sont une force ou une faiblesse de la structure.

Côté passif, de nouveaux passifs peuvent apparaitre postérieurement à la transmission des parts :

  • Dettes non comptabilisées au jour de la cession
  • Garanties accordées par la société
  • Passif lié à des choix fiscaux (réintégration de DEP, …
  • Remboursement de subventions
  • Redressement sur les aides perçues par la PAC
  • Contentieux avec un salarié, un fournisseur

Pour protéger l’acquéreur, une Garantie d’Actif et de Passif (GAP) est inclus dans les actes qui va déterminer une prise en charge par le vendeur de ces éléments.

La fiscalité sur les ventes de parts sociales

Une économie pour le vendeur

Il peut être plus intéressant pour le vendeur de céder les titres de société plutôt que les actifs.

Mais il faut distinguer tout d’abord si le cédant est un associé exploitant ou non-exploitant.

Les associés exploitants

Pour un associé exploitant, la fiscalité normale sur les cessions de titres est de 30% (impôt et contributions sociales) .

La cession pourra bénéficier des mêmes régimes d’exonération fiscale que pour les ventes d’actifs (voir l’article « la fiscalité de la vente d’une exploitation agricole ») : exonération pour les petites entreprises, exonération pour départ à la retraite, exonération en fonction de la valeur des éléments cédés).

Si le vendeur ne peut pas bénéficier d’une exonération sur les plus-values professionnelles pour les petites entreprises, il pourra par contre peut-être bénéficier de l’exonération en fonction de la valeur des éléments cédés.

La cession des titres est en totalité une cession mobilière (sauf le cas des sociétés à prépondérances immobilières) même si la société possède des immeubles. Le prix de cession est réduit par la déduction des passifs. Ce qui peut permettre de bénéficier de l’exonération totale pour les cessions inférieures  à 500 000 € ou de l’exonération partielle pour les cessions inférieures à 1 000 000 €.

Les associés non-exploitants

Pour un associé non-exploitant, la cession des titres relève du régime des plus-values privées avec une imposition de base au prélèvement forfaitaire unique au taux de 30% (impôt et contributions sociales) ou une imposition au taux progressif de l’impôt sur le revenu.

Il est possible de bénéficier d’abattements complémentaire si le biens est détenu depuis au moins 8 ans ou dans le cas de départ à la retraite.

Au global, la fiscalité sur une cession de titres de société peut donc s’avérer plus avantageuse qu’une cession des actifs dans certaines situations.

Un surcoût pour l’acquéreur

Elle peut par contre générer des conséquences défavorables pour l’acquéreur malgré une économie réelle sur les droits d’enregistrement.

Les droits d’enregistrement

Lors d’une vente d’immeuble classique, le notaire rédige l’acte authentique de vente et prélève des droits d’enregistrements généralement de l’ordre de 5,89% du prix de vente.

Lors de la cession de titres d’une société agricole, l’acquéreur devra généralement payer des droits d’enregistrements fixes de 125 € sur l’acte définitif (sauf pour les sociétés de moins de 3 ans, les sociétés à prépondérance immobilière et les sociétés à l’IS).

Ceci peut présenter un montant bien inférieur donc une économie non négligeable.

La perte de l’amortissement

La reprise d’une société se traduit par l’acquéreur par une reprise des actifs à leur valeur comptable dans le bilan même si la valeur retenue dans la valorisation des parts sociales est différente. Ceci se traduit par une base amortissable inférieure à la valeur négociée

Exemple : un bâtiment est évalué 300 000 € pour calculer la valeur des parts sociales. Dans la comptabilité du cédant, il n’est plus valorisé que pour 120 000 € compte tenu des amortissements pratiqués depuis leur acquisition.

Le cessionnaire ne pourra donc amortir le bâtiment que pour 120 000 €. L’écart de 180 000 € est donc perdu ce qui signifie qu’il aura sur la durée de vie du bâtiment 180 000 € de revenu supplémentaire (par rapport à une reprise d’actifs) ce qui lui génèrera un surcoût important de charges sociales MSA et d’impôt sur le revenu.

Cette opération est donc généralement très pénalisante pour l’acquéreur. Il demandera une négociation du prix à la baisse au moins égale à l’impact fiscal et social de cette perte d’amortissement ce qui peut être suffisant pour faire échec à la cession.

La cession des parts pour faciliter la cession

Les cessions de parts sociales ont été pendant longtemps mises en place car elles permettaient de faciliter les démarches pour obtenir les autorisations administratives : contrôle des structures et SAFER.

Depuis la mise en place de la loi Sempastous, les opérations de cessions de titres doivent faire l’objet d’une déclaration auprès de la SAFER qui peut les autoriser ou les refuser selon les situations.

En conclusion

Céder les titres d’une société est une opération juridique très complexe car la portée de l’acte est beaucoup plus large qu’une « simple » vente d’actif. Cette complexité peut être source d’incompréhension voire même de conflit.

A noter que si l'exploitant ne procède pas à la cession des titres de la société mais à une vente des actifs, il devra procéder à une dissolution - liquidation de la société

Avant de déterminer si la vente de votre exploitation agricole doit se faire sous la forme d’une cession de titres, il faut se rapprocher de votre cabinet comptable qui vous conseillera sur la voie la plus avantageuse.

En savoir plus :

Voici des ressources complémentaires que nous mettons à votre disposition pour vous apporter toute l’information nécessaire à votre projet de transmission.