Le statut du fermage est très protecteur pour le locataire. Aussi, résilier un bail pour exploiter soi-même les terres dont on est propriétaire n’est pas une démarche simple. Il s’agit au contraire d’une opération complexe qui nécessite de respecter un formalisme établi très rigoureux.
Nous avons consacré un article dont la question est proche mais qui concerne la reprise d’un terrain agricole par son propriétaire pour le vendre ou pour son usage personnel (terrain de loisir par exemple).
Il convient tout d’abord de rappeler certains principes du statut des baux ruraux.
Un bail rural est un contrat de location fait pour une durée minimale de 9 ans. Et ceci que le bail soit écrit ou verbal. Au terme de la durée initiale du bail, celui-ci ne s’arrête pas car l'agriculteur locataire dispose d'un droit automatique au renouvellement de son bail. Ceci n'empêche pas le propriétaire de vendre son bien mais réduit le nombre potentiel d'acquéreurs. Nous avons développé ce droit au renouvellement du bail rural et la vente des terrains loués dans un autre article de notre blog.
Donc un bail rural d’une durée initiale de 9 années, bénéficie d'une reconduction tacite de 9 ans en 9 ans.
De même, le fermier peut céder le bail au profit de ses descendants. La procédure de cession du bail doit obéir à des règles strictes mais sauf faute du preneur, il sera très difficile au bailleur de pouvoir s’y opposer.
Ainsi, un bail rural souscrit pour une période initiale de 9 ans peut se poursuivre presque indéfiniment, si le preneur cède son bail (avec l’accord du bailleur) à un descendant.
Si vous êtes passé par la SAFER pour louer votre parcelle, vous ne serez pas concerné par cet article. En effet, les conventions de mise à disposition de la SAFER ne relèvent pas du fermage et ne comprennent pas un droit de renouvellement automatique. On peut également noter que le droit de préemption de la SAFER ne s'applique pas dans les opérations de reprise car ce droit n'intervient que lors des opérations de vente.
Il s'agit d'un contrat qui vous permet d'éviter le statut du fermage et donc vous permet de récupérer un terrain agricole loué quand vous le souhaitez. Mais il est conclu avec une clause très restrictive: il est gratuit..
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Vous êtes alors libre de choisir la durée que vous souhaitez et les modalités de résiliation.
Découvrez notre article consacré aux autres types de baux pour en connaitre toutes les subtilités.
La loi (articles L 411-58 et suivants du code rural) a tout de même prévu la possibilité pour le bailleur (le propriétaire) de reprendre les immeubles objets d’un bail rural pour les utiliser lui-même. Cette procédure est strictement encadrée par la loi et nous vous en faisons une présentation détaillée.
La reprise ne peut se faire qu'au terme de la durée normale du bail. C'est donc une démarche qui permet de s'opposer à son renouvellement. Elle est différente d’une procédure de résiliation de bail qui peut s'exercer pendant la durée du contrat et qui concerne notamment les changements de destination des parcelles ou les cas de faute du locataire.
Tout d’abord, le congé doit obligatoirement être notifié au plus tard 18 mois avant le terme du bail (ou de son renouvellement) par acte d’huissier. Si vous adressez ce congé par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception (LRAR), la procédure pourra être très facilement annulée.
Ensuite, le congé doit respecter un formalisme très strict en reproduisant des termes du code rural. Il devra préciser le nom et prénom du bénéficiaire de la reprise, son âge, son domicile et sa profession. Si le bien doit être exploité par une société dans le cadre d’une mise à disposition, le congé doit également en faire mention, ...
A noter qu'il peut être difficile dans le cadre d'un bail verbal de respecter le délai de préavis dans la mesure ou la date de départ peut être difficile à établir, faute de preuve écrite.
La reprise peut être exercée par le propriétaire des terres (qui peut-être une personne physique mais également une société), ou par un membre de sa famille (son conjoint ou partenaire pacsé ou par l’un de ses descendants).
Aucune autre personne ne peut être bénéficiaire de la reprise quel que soit son lien de parenté.
Le repreneur doit justifier avoir la capacité professionnelle d’assurer l’exploitation des terres agricoles à compter de la date d'entrée en jouissance.
Il existe 2 options pour obtenir cette « capacité professionnelle » (article R331-2 du code rural) :
Il faut noter que cette notion de compétence agricole est une obligation et est également nécessaire pour bénéficier du régime de déclaration au titre du Contrôle des Structures.
En effet, cette reprise est soumise à une simple déclaration préalable au titre du Contrôle des Structures, mais sous réserve de réunir plusieurs conditions :
Si vous achetez des parcelles louées pendant la durée du bail et que vous souhaitez récupérer ces terres au terme des 9 ans, vous devrez donc obligatoirement obtenir une Autorisation. En effet, vous ne pourrez pas bénéficier du régime de la Déclaration car vous détiendrez ces terres depuis moins de 9 ans.
Le seuil de surface est défini par chaque région avec des équivalences selon les productions.
Voici les seuils en vigueur en janvier 2022 :
Région (hors DOM) |
Seuil de surface SREA |
Auvergne Rhône Alpes |
64 ha |
Bourgogne Franche Comté |
3 zones : 75 ha – 110 ha – 140 ha |
Bretagne |
20 ha |
Centre Val de Loire |
114 ha |
Corse |
60 ha |
Grand-Est |
86 ha |
Hauts de France |
60 ha |
Normandie |
70 ha |
Nouvelle Aquitaine |
77 ha |
Occitanie |
67 ha |
Provence Alpes Côte d’Azur |
85 ha |
Ile de France |
137 ha |
Si le repreneur ne remplit pas toutes ces conditions, alors il devra déposer une demande et une Autorisation administrative. Si les biens sont destinés à être exploités par une société, c’est elle qui devra solliciter et obtenir le droit d’exploiter.
Cette Déclaration, ou demande d’Autorisation le cas échéant, est à réaliser sur un formulaire administratif (à télécharger sur le site de la DDTM de votre département) et doit obligatoirement être réalisée préalablement à la date de reprise.
Comme pour toute fin de location agricole, vous serez peut-être amené à verser une indemnité pour les améliorations apportées par votre locataire sur le bien loué. L'exploitant peut en effet, avec l'autorisation du bailleur, construire un bâtiment sur le terrain loué. En l'absence d'accord du bailleur, il peut perdre ce droit d'indemnisation. Le montant de l'indemnité sera calculé sur le prix de revient des constructions ou améliorations qu'il aura apporté.
Le bénéficiaire, qui prive l'agriculteur d’une partie du foncier qu’il exploitait, s’engage à exploiter les biens pendant au moins 9 ans soit à titre personnel soit au sein d’une société. Cet engagement ne peut se limiter à un simple management de l’entreprise agricole car il devra participer aux travaux de manière effective et permanente et posséder le cheptel et le matériel nécessaire à cette exploitation.
Il devra en outre occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité directe de l’exploitation.
Attention, car le non-respect de cet engagement peut entrainer l’annulation de la reprise.
Opposition possible du preneurLe fermier en place peut s’opposer au congé s‘il se trouve à moins de 5 ans de l’âge lui permettant de percevoir une retraite à taux plein. Dans cette situation, le bail sera prorogé de la durée nécessaire et le fermier perd la possibilité de céder son bail à ses descendants. A noter toutefois que le bailleur devra renotifier le congé 18 mois avant le terme de cette prorogation. |
Et le fermier peut bien entendu contester la validité du congé soit pour des conditions de forme soit pour des conditions liées au preneur. Il peut également saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour le non-respect des conditions d’exploitation pendant les 9 ans.
Il existe 3 autres motifs permettant au bailleur de donner un congé à son preneur :
Le statut des baux ruraux est complexe. Tout comme la procédure pour reprendre un bien loué et nécessite de recourir à un professionnel du droit rural (avocat, notaire, ...) pour éviter tout risque de nullité. En effet, faute de respecter ce formalisme, le propriétaire peut ne jamais retrouver la libre disposition de son bien.