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Comment reprendre un terrain loué pour l'exploiter  ?

Publié le September 20, 2023 par Bernard Charlotin
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Comment reprendre un terrain loué pour l'exploiter  ?

Comment reprendre un terrain loué pour l’exploiter ?

Le statut du fermage est très protecteur pour le locataire. Aussi, résilier un bail pour exploiter soi-même les terres dont on est propriétaire n’est pas une démarche simple. Il s’agit au contraire d’une opération complexe qui nécessite de respecter un formalisme établi très rigoureux.

Nous avons consacré un article dont la question est proche mais qui concerne la reprise d’un terrain agricole par son propriétaire pour le vendre ou pour son usage personnel (terrain de loisir par exemple).

Sommaire
1. Quelques principes des baux ruraux
    1.1. Ne pas oublier le droit au renouvellement et le droit de cession du fermier
    1.2. Les conventions de mise à disposition de la SAFER
    1.3. Le prêt à commodat ou prêt à usage
2. Comment mettre fin à un bail à ferme ?
    2.1. Non renouvellement du contrat de location
    2.2. Forme du congé
    2.3. Qui peut exercer le droit de reprise ?
    2.4. Des conditions à respecter au niveau du bénéficiaire
    2.5 L'indemnité au preneur sortant
    2.6. Les engagements du bénéficiaire
    2.7. Opposition possible du preneur
    2.8. Contentieux
3. Les autres cas de reprise par le bailleur
4. En conclusion

Quelques principes des baux ruraux

Ne pas oublier le droit au renouvellement et le droit de cession du fermier

Il convient tout d’abord de rappeler certains principes du statut des baux ruraux.Champ

Un bail rural est un contrat de location fait pour une durée minimale de 9 ans. Et ceci que le bail soit écrit ou verbal. Au terme de la durée initiale du bail, celui-ci ne s’arrête pas car l'agriculteur locataire dispose d'un droit automatique au renouvellement de son bail. Ceci n'empêche pas le propriétaire de vendre son bien mais réduit le nombre potentiel d'acquéreurs. Nous avons développé ce droit au renouvellement du bail rural et la vente des terrains loués dans un autre article de notre blog.

Donc un bail rural d’une durée initiale de 9 années, bénéficie d'une reconduction tacite de 9 ans en 9 ans.

De même, le fermier peut céder le bail au profit de ses descendants. La procédure de cession du bail doit obéir à des règles strictes mais sauf faute du preneur, il sera très difficile au bailleur de pouvoir s’y opposer.

Ainsi, un bail rural souscrit pour une période initiale de 9 ans peut se poursuivre presque indéfiniment, si le preneur cède son bail (avec l’accord du bailleur) à un descendant.

Les conventions de mise à disposition de la SAFER

Si vous êtes passé par la SAFER pour louer votre parcelle, vous ne serez pas concerné par cet article. En effet, les conventions de mise à disposition de la SAFER ne relèvent pas du fermage et ne comprennent pas un droit de renouvellement automatique. On peut également noter que le droit de préemption de la SAFER ne s'applique pas dans les opérations de reprise car ce droit n'intervient que lors des opérations de vente.

Le prêt à commodat ou prêt à usage

Il s'agit d'un contrat qui vous permet d'éviter le statut du fermage et donc vous permet de récupérer un terrain agricole loué quand vous le souhaitez. Mais il est conclu avec une clause très restrictive: il est gratuit..
.
Vous êtes alors libre de choisir la durée que vous souhaitez et les modalités de résiliation.

Découvrez notre article consacré aux autres types de baux pour en connaitre toutes les subtilités.

 

Comment mettre fin à un bail à ferme ?Livre blanc : "comment créer une exploitation agricole ?"

La loi (articles L 411-58 et suivants du code rural) a tout de même prévu la possibilité pour le bailleur (le propriétaire) de reprendre les immeubles objets d’un bail rural pour les utiliser lui-même. Cette procédure est strictement encadrée par la loi et nous vous en faisons une présentation détaillée.

Non renouvellement du contrat de location

La reprise ne peut se faire qu'au terme de la durée normale du bail. C'est donc une démarche qui permet de s'opposer à son renouvellement. Elle est différente d’une procédure de résiliation de bail qui peut s'exercer pendant la durée du contrat et qui concerne notamment les changements de destination des parcelles ou les cas de faute du locataire.

Forme du congé

Tout d’abord, le congé doit obligatoirement être notifié au plus tard 18 mois avant le terme du bail (ou de son renouvellement) par acte d’huissier. Si vous adressez ce congé par Lettre Recommandée avec Accusé de Réception (LRAR), la procédure pourra être très facilement annulée.

Ensuite, le congé doit respecter un formalisme très strict en reproduisant des termes du code rural. Il devra préciser le nom et prénom du bénéficiaire de la reprise, son âge, son domicile et sa profession. Si le bien doit être exploité par une société dans le cadre d’une mise à disposition, le congé doit également en faire mention, ...

A noter qu'il peut être difficile dans le cadre d'un bail verbal de respecter le délai de préavis dans la mesure ou la date de départ peut être difficile à établir, faute de preuve écrite.

Qui peut exercer le droit de reprise ?

La reprise peut être exercée par le propriétaire des terres (qui peut-être une personne physique mais également une société), ou par un membre de sa famille (son conjoint ou partenaire pacsé ou par l’un de ses descendants).

Aucune autre personne ne peut être bénéficiaire de la reprise quel que soit son lien de parenté.

Des conditions à respecter au niveau du bénéficiaire

Le repreneur doit justifier avoir la capacité professionnelle d’assurer l’exploitation des terres agricoles à compter de la date d'entrée en jouissance.

Il existe 2 options pour obtenir cette « capacité professionnelle » (article R331-2 du code rural) :

  • Avoir obtenu un diplôme agricole de niveau IV minimum, c’est-à-dire à minima, un Bac Professionnel Agricole ou un Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA)
  • Ou justifier d’une expérience professionnelle de 5 ans minimum

Il faut noter que cette notion de compétence agricole est une obligation et est également nécessaire pour bénéficier du régime de déclaration au titre du Contrôle des Structures.

En effet, cette reprise est soumise à une simple déclaration préalable au titre du Contrôle des Structures, mais sous réserve de réunir plusieurs conditions :

  • Le bénéficiaire doit avoir la Capacité agricole
  • Le bien doit être libre de locataire au jour de la reprise
  • Le bien doit être détenu depuis au moins 9 ans par le bénéficiaire ou parent ou allié
  • Le bien doit être destiné à l’installation ou à la consolidation de l’exploitation si la surface de celle-ci n’excède pas le seuil de surface du Schéma Régional des Exploitations Agricoles

Si vous achetez des parcelles louées pendant la durée du bail et que vous souhaitez récupérer ces terres au terme des 9 ans, vous devrez donc obligatoirement obtenir une Autorisation. En effet, vous ne pourrez pas bénéficier du régime de la Déclaration car vous détiendrez ces terres depuis moins de 9 ans.

Le seuil de surface est défini par chaque région avec des équivalences selon les productions.

Voici les seuils en vigueur en janvier 2022 :

Région (hors DOM)

Seuil de surface SREA

Auvergne Rhône Alpes

64 ha

Bourgogne Franche Comté

3 zones : 75 ha – 110 ha – 140 ha

Bretagne

20 ha

Centre Val de Loire

114 ha

Corse

60 ha

Grand-Est

86 ha

Hauts de France

60 ha

Normandie

70 ha

Nouvelle Aquitaine

77 ha

Occitanie

67 ha

Provence Alpes Côte d’Azur

85 ha

Ile de France

137 ha

Si le repreneur ne remplit pas toutes ces conditions, alors il devra déposer une demande et une Autorisation administrative. Si les biens sont destinés à être exploités par une société, c’est elle qui devra solliciter et obtenir le droit d’exploiter.

Cette Déclaration, ou demande d’Autorisation le cas échéant, est à réaliser sur un formulaire administratif (à télécharger sur le site de la DDTM de votre département) et doit obligatoirement être réalisée préalablement à la date de reprise.

L'indemnité au preneur sortant

Comme pour toute fin de location agricole, vous serez peut-être amené à verser une indemnité pour les améliorations apportées par votre locataire sur le bien loué. L'exploitant peut en effet, avec l'autorisation du bailleur, construire un bâtiment sur le terrain loué. En l'absence d'accord du bailleur, il peut perdre ce droit d'indemnisation. Le montant de l'indemnité sera calculé sur le prix de revient des constructions ou améliorations qu'il aura apporté. 

Les engagements du bénéficiaire

Le bénéficiaire, qui prive l'agriculteur d’une partie du foncier qu’il exploitait, s’engage à exploiter les biens pendant au moins 9 ans soit à titre personnel soit au sein d’une société. Cet engagement ne peut se limiter à un simple management de l’entreprise agricole car il devra participer aux travaux de manière effective et permanente et posséder le cheptel et le matériel nécessaire à cette exploitation.

Il devra en outre occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité directe de l’exploitation.

Attention, car le non-respect de cet engagement peut entrainer l’annulation de la reprise.

 

Opposition possible du preneur

Le fermier en place peut s’opposer au congé s‘il se trouve à moins de 5 ans de l’âge lui permettant de percevoir une retraite à taux plein. Dans cette situation, le bail sera prorogé de la durée nécessaire et le fermier perd la possibilité de céder son bail à ses descendants.

A noter toutefois que le bailleur devra renotifier le congé 18 mois avant le terme de cette prorogation.

 

recolte moisson agricole

Contentieux

Et le fermier peut bien entendu contester la validité du congé soit pour des conditions de forme soit pour des conditions liées au preneur. Il peut également saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour le non-respect des conditions d’exploitation pendant les 9 ans.

 

Les autres cas de reprise par le bailleur

Il existe 3 autres motifs permettant au bailleur de donner un congé à son preneur :

  • Le preneur atteint l’âge de la retraite pendant le cours du renouvellement du bail
  • Changement de destination du fonds : Un nouveau classement de terres qui deviennent constructibles permet au bailleur de reprendre les terres pendant le cours du bail. Le formalisme est également très strict et prévoit de plus le versement d’indemnité au fermier pour compenser sa perte d’exploitation.
  • Faute du preneur : défaut de paiement du fermage, changement de destination, mauvais entretien, échange non autorisé, ...

 

En conclusion

Le statut des baux ruraux est complexe. Tout comme la procédure pour reprendre un bien loué et nécessite de recourir à un professionnel du droit rural (avocat, notaire, ...) pour éviter tout risque de nullité. En effet, faute de respecter ce formalisme, le propriétaire peut ne jamais retrouver la libre disposition de son bien.